Cross Asset : Euphorie contenue et fragilités latentes
Je n’ai pas bien compris : si on annule la suppression de deux jours fériés qui n’avaient pas encore été supprimés, est-ce que cela signifie qu’on aura finalement deux jours fériés en plus ? Ça ne va pas vraiment aider le déficit, tout ça…
Même si en toile de fond, la géopolitique a rappelé sa capacité à perturber les marchés (Russie, Rencontre Trump et Xi Jinping), la semaine a été dominée par la réunion de la Réserve fédérale américaine, qui a choisi d’abaisser ses taux directeurs de 25 points de base, marquant le véritable coup d’envoi du cycle d’assouplissement monétaire.
Si le mouvement était largement anticipé, la communication de Jerome Powell a refroidi les anticipations les plus agressives du marché. Aux États-Unis, les indices boursiers ont néanmoins terminé la semaine dans le vert, confirmant une tendance haussière entamée depuis l’été. Le S&P 500 a progressé, soutenu par le secteur technologique. Le Russell 2000, l’indice des petites capitalisations (small caps) plus domestique et sensible aux taux, a également bénéficié de la perspective de conditions financières plus favorables. Toutefois, la dynamique reste extrêmement concentrée : plus de la moitié de la hausse du S&P 500 depuis juillet provient d’un petit groupe de valeurs liées à l’intelligence artificielle.
En Europe, le ton était plus mesuré. Le Stoxx Europe 600 a légèrement reculé sur la semaine, plombé par la consommation discrétionnaire et les médias.Le marché européen a surtout pâti d’une faiblesse persistante des financières, euro fort et absence de catalyseurs macroéconomiques positifs.
Sur le crédit, le sentiment est demeuré plus favorable, avec un léger resserrement des spreads CDS. Les investisseurs semblent encore enclins à porter du risque, mais la hausse des taux longs limite les marges de manœuvre et pourrait à terme fragiliser les segments les plus sensibles du marché.
Du côté des matières premières, le Brent a évolué dans une fourchette étroite, pénalisé par les discussions sino-américaines. L’or, valeur refuge par excellence, a brièvement franchi les 3 700 dollars l’once avant de refluer sous 3 650, victime du rebond du dollar et de la hausse des taux réels. Le marché du gaz européen est resté stable, malgré l’annonce par l’Union européenne d’un durcissement du calendrier de sortie des importations russes.
Change : Le dollar se ressaisit ?
C’est un véritable engouement : il y avait encore beaucoup de monde jeudi dans les rues pour célébrer la nomination de Lecornu!
Sur le marché des changes, la semaine a été dominée par les ajustements post-Fed. Affaibli par la baisse de taux, le dollar a vite rebondi, soutenu par la hausse des rendements obligataires, stoppant son repli et ramenant l’EUR/USD autour de 1,18, sans franchir ce seuil. L’absence de catalyseurs en zone euro et la prudence de la BCE ont maintenu l’euro dans l’attente. La livre sterling, elle, a souffert : malgré un statu quo de la BoE, l’absence de signaux clairs et un déficit public bien supérieur aux attentes (18 Mds £ en août) ont pesé, ramenant la devise sous 1,35 USD.
Le yen est resté stable (USD/JPY entre 147 et 148) après une BoJ immobile mais marquée par deux votes en faveur d’une hausse de 25 pb et l’annonce d’un programme de cession progressive d’ETF, signalant une normalisation très graduelle.
Les devises matières premières ont reculé dans un climat défavorable au risque : l’AUD et le NZD ont souffert (PIB en contraction en Nouvelle-Zélande, perspective de baisses de taux), tandis que le CAD a suivi le ton accommodant de la BoC. Du côté émergent, le réal brésilien a été soutenu par ses taux réels élevés, alors que la roupie indonésienne a subi la politique expansionniste de la Bank Indonesia.
En Chine, le yuan est resté stable, avec un fixing en ligne et des actions domestiques en légère hausse. Des rumeurs évoquent un recyclage d’avoirs américains vers l’Europe et l’or, interprété comme une réponse indirecte à l’« arme dollar » de Washington.
Taux : Baisse officielle mais tensions persistantes
A l'époque romaine « des chiffres et des lettres » s'appelait « des lettres et des lettres » ?
Sur le marché obligataire, la semaine a illustré la complexité actuelle : alors que les banques centrales amorcent des baisses de taux, les rendements repartent à la hausse.
Aux États-Unis, malgré une baisse de 25 pb de la Fed, le 10 ans est monté, porté par un ton moins accommodant, des chiffres d’emploi solides et le risque de shutdown budgétaire. Les anticipations d’assouplissement ont ainsi été revues à la baisse, restant toutefois plus agressives que le scénario officiel de la Fed.
En Europe, le Bund et l’OAT ont suivi le mouvement américain, avec un spread stable autour de 80 pb. Le ralentissement de l’inflation plaide pour un futur assouplissement de la BCE, mais les contraintes budgétaires et la dépendance aux flux étrangers pèsent sur la dette.
Au Japon enfin, le 10 ans JGB a atteint 1,63%, plus haut depuis un an, la BoJ étant de plus en plus perçue comme contrainte d’amorcer tôt ou tard un resserrement, l’inflation et les salaires restant dynamiques.
Bonne semaine à tous